mardi 28 avril 2009

Le 28 avril




A la rubrique « le monde et la ville » du journal local, ce dispositif fait de papier sonore et de barbarismes destiné à m’empêcher d’« aller sur les genoux », j’ai lu un reportage sur un boulanger. Je n’ai pas d’affinités spéciales, on s’en souvient, avec cette corporation. Pas davantage avec ses productions, qui me rappellent fâcheusement l’époque lointaine où je hantais les gamelles villageoises tout en évaluant le rayonnement des cœurs charitables (au moyen d’une grille, évidemment).
Toutefois, ce boulanger-là, qui avait droit à la page « people », m’a fait un instant oublier ma phobie du gluten. Il déclarait : « La boulangerie, c’est génial ! » Et de vanter ses nuits enfarinées dans la lumière du fournil, ses pains de toutes formes, ses kouglofs et ses tartes au fromage (acceptables). Bien sûr, quelqu’un chez qui le meilleur porte ostensiblement le nom de « tradition » ne serait pas acclamé des deux mains chez Madame Agée (ou Lâgée, je ne comprends pas toujours les mots neufs). Que dire de « rustique » ? « au levain » ? « à l’ancienne » ? et même « du bon Roy Stanislas », avec majuscule et « y » ! Non, camarade boulanger, avec des mots pareils, vous êtes d’office exclu de la majorité.
« J’ai le même levain depuis que j’ai commencé, dit-il, c’est mon trésor. » Quoi, le même depuis trente ans ? Vous vous divertissez certainement aux dépens du public ? « Pas du tout. Je change sans cesse mes fabrications, ajoutait-il, je cherche continuellement à m’améliorer, c’est mon bonheur. Vous voyez, j’ai remis à l’honneur le saint-honoré, je fais des éclairs de cinquante sortes différentes. Pourtant, la boulangerie était tombée assez bas, il y a seulement une vingtaine d’années. Les gens avaient perdu le goût du pain. » Il y en avait une pleine page comme ça.
Bon, me dis-je. Il faut que j’appelle le journaliste gentil. Je lui déclarerai, moi : « L’Université, c’est génial ».
Oui, c’est exactement ce que je pense.