lundi 28 janvier 2008

Le 27 janvier


Il y avait déjà les routes de campagne, les carnets de campagne, les plans de campagne, les tenues et les parties de campagne (« scampagnate » en italien), les maisons de campagne et bien sûr le pâté de campagne (« pasticcio » ?) Il y a maintenant les « blogs de campagne » et même les « weblogs de campagne ». Pas un candidat à la consultation électorale municipale du mois de mars qui n’ait son blog de campagne. Avec Alphonse, mon très cher ami, qui est en ce moment un peu las de l’art, parce qu’il n’a encore reçu aucune subvention pour LA BUANDERIE, nous avons voulu voir ce qu’il en est. Et je peux tout de suite annoncer : il n’y a là-dedans que du pasticcio, du pastiche.
Pour avoir le champ libre et l’ordi à nous, j’ai recommandé à mon humaine de profiter du beau temps et d’aller « marcher » (ces humains qui se croient au sommet de l’ordre de la nature sont capables de marcher sans aucun but pendant des heures). Elle nous a donc laissé la garde de la maison et elle s’en est allée pendant que nous lui faisions mezzo voce un petit duo miaulique sur l’air de « There is a happy land, far, far away… » Nous avons vu d’abord que « Site-de-campagne.com » propose à partir de deux cents euros « votre site électoral clés en main ». Ensuite, un peu au hasard, nous avons musardé de page en page. Alphonse n’a pas cessé de comparer ces blogs de campagne au mien, pour le dénigrer :
- Tu devrais mettre une photo de quand tu étais plus jeune ! Et tu dois sourire ! Et il faut commencer par ta bio ! Et pourquoi ne pas mettre la vidéo où l’on te voit partager ta pâtée avec Lazare le jour de sa Toison d’or et qu’il dit, la bouche pleine : « Ma chère Krazy, j’adhère à votre projet » ? Et ça manque de couleur, de mouvement ! On devrait voir des vélocipédistes, la campagne à la ville, la ville à la campagne, des trolleybus, des chats ailés, alliés, ralliés : « Chers amis bloggers », « La plus belle des aventures », « La vie, la ville », « Participez au projet », « Écrivez-nous ». Les gens, tu dois les faire rêver !
- Je croyais que tu aurais montré un peu plus de mordant. Tu me déçois beaucoup. Tu ne comprends pas à quel point cette propagande est pesée au milligramme près, emballée sous plastique et congelée ? C’est pitoyable.
- Pas du tout, lis les commentaires ! Regarde comme les gens réagissent bien.
- Tu deviens fou ? Ils répètent comme des perroquets les bêtises que leur serinent divers médias. Et ces biographies édifiantes avec leurs passages rappelant que les éligibles sont comme tout le monde, qu’ils ont des enfants et parfois des même des parents (mais moins souvent), qu’ils rient quand on les chatouille, qu’ils voient avec plaisir deux douzaines d’humains se disputer une balle, qu’ils déjeunent dominicalement en famille avant une petite promenade digestive. Tiens, tout ça me dégoûte. Il n’y en a pas un seul qui par exemple, se vanterait de posséder un théâtre privé, une collection d’estampes, de peintures anciennes ou de livres rares fabuleuse, une maison d’édition ouverte seulement à la poésie et aux récits de voyage ; qui se flatterait d’avoir restauré un château magnifique, publié une correspondance diplomatique en 44 volumes, de connaître neuf langues, d’avoir passé deux ans de sa vie à photographier les steppes de l’Asie centrale (ce qu’il en reste) ; d’avoir réalisé ou produit des films sur des plantes, sur des cailloux, des coutumes bizarres ; d’écrire une fresque dans le genre des Rougon-Macquart, de jouer « vraiment » d’un instrument, de monter sur les planches pour de bon ; de faire des choses pour le plaisir. As-tu les lettres d’amour de M. Clémenceau, d’abord ?
Je vis bien que ces arguments commençaient à perturber Alphonse. Mais je n’allai pas plus loin : s’il lit ces lettres, il est capable de les recopier et de les envoyer à cette Jane-Odette. L’ombre de la jalousie n’eut pas le temps de s’étendre dans mon esprit, heureusement. Mon humaine rentrait…

mardi 22 janvier 2008

Le 22 janvier


Je sais mieux que jamais, depuis hier, ce que sont des notes infrapaginales. Et le vétérinaire, mon ennemi tout de blanc vêtu, le sait « presque », lui aussi. Que l’on ne s’étonne donc pas si je suis d’une humeur exécrable. (Lazare m’a fait remarquer qu’à l’exception de rares specimens qui parlent élégamment de leur « acedia » ou délectation morose, les humains disent généralement qu’ils sont de « mauvais poil ».)
En effet, il a « presque » fallu appeler ce praticien (le vétérinaire, veux-je dire) afin de panser mon ornement caudal qui a « presque » été écrasé par l’effondrement des livraisons d’une revue pseudo-scientifique dont je tairai charitablement le nom. Je dirai seulement que le directeur de cette revue, quand il a choisi la couleur de la couverture, avait probablement à l’esprit quelque affreuse déjection. Je demande : pourquoi l’histoire de l’art n’est-elle pas obligatoire dès le cours préparatoire ? Peut-être que cela briserait net le devenir scolaire d’un être qui est capable de choisir une maquette pareille.
Ces livraisons ont proliféré dans le bas fort obscur d’une bibliothèque où je séjourne volontiers les après-midi d’hiver. Or elles sont inrangeables. C’est grand, mou, aberrant de format, glissant. Si vous les voyiez s’affaisser les unes sur les autres, le n° 4 comptant toujours sur le n° 3 pour soutenir sa flemme, et le n° 3 sur le n° 2 ! Mon humaine a bien essayé de les coucher en piles, puisque la station debout leur répugne. Rien à faire, dans ces piles ils se vautrent, s’étalent comme humains enduits d’huile solaire sur une plage (pourtant peu d’endroits sont aussi abrités du soleil), lui glissent des mains comme anguilles (bien que l’on n’ait jamais vu d’anguilles dans une bibliothèque) et même on a vu le papier lui couvrir les mains de longues estafilades. Elle ne se résout pas à s’en débarrasser. Une fois, elle s’est désabonnée, mais on a continué à les lui envoyer. Je demande donc : pourquoi n’y a-t-il aucune contraception pour certaines revues.
Je dois reconnaître qu’elle les avait « rangées », c’est-à-dire mises par ordre chronologique. Les piles n’ont aucune affinité élective avec l’ordre chronologique, j’ai remarqué cela. Surtout, avec les piles, il est difficile de ne pas enterrer tout en-dessous les livraisons les plus anciennes, datant des anciens rédacteurs en chef, les uns et les autres moins insupportables que les récents et récentes, par la couleur, par l’esprit, par tout. Il en résulte que l’on consulte plus volontiers ces numéros anciens, dont le papier est d’ailleurs plus amical, un peu pelucheux, ce qui correspond à leur contenu probe et amène. Mais que ce sont quand même les nouveaux qui ont le dessus, eux que l’on ne manipule qu’avec irritation et que l’on ne cite jamais dans les notes infrapaginales. A force de siestes longues et « récurrentes » (mais au cours desquelles je ne récure rien du tout), suivant une expression chère aux étudiants de mon humaine (et vraisemblablement aux autres aussi), j’ai très bien observé les problèmes de ces revues. On m’aurait confié un audit là-dessus que ça n’aurait pas été mieux, d’autant plus que ma motivation est puissante à l’égard des revues, garantes de mon espace vital. Et je demande à présent : pourquoi ne faisons-nous pas partie, nous autres, du comité supérieur d’évaluation des revues scientifiques de l’European Science Foundation ? (La réponse est : ils ont là-haut d’autres humains à fouetter.) Autre question : pourquoi mon humaine s’encombre-t-elle de revues qui ne sont même pas répertoriées par le comité supérieur d’évaluation des revues scientifiques de l’European Science Foundation ? (La réponse est : parce qu’elle a plus d’égard pour la science bien ou mal fondée que pour les chats européens.) Nouvelle question : pourquoi ne relie-t-elle pas ces livraisons en maroquin d’une belle couleur ? (Réponse plausible : parce que le caca rente est dit-on en train de baisser.)
Pour en revenir à ces notes infrapaginales, je tremble encore au souvenir de l’instant où l’une de ces piles, au lieu de glisser au ralenti comme dans la célèbre tectonique des plaques, et de laisser à ma somnolence le temps d’un réflexe salvateur, a soudain basculé violemment, déséquilibrée qu’elle avait été un peu plus tôt par cette humaine frénétique pourchassant « une référence », histoire de mettre une note de plus en bas d’une page remplie de futilités.
- Bien sûr, toi, sur ton blog, tu n’as pas l’ennui de ces notes, de ces index et de ces résumés, m’a-t-elle dit en me prenant dans ses bras.

vendredi 18 janvier 2008

Le 17 janvier




Au sud défilent les tôles à roulettes ; au nord piaillent les passereaux du vieil érable; à l'ouest est mon dresssoir; à l'est est la BUANDERIE. Et aujourd'hui j'ai eu tout ça pour moi toute seule, du matin au soir, tous les livres, tous les lits, et en plus un collector de 50 ans de chanson française. Sauf que j'ai été dans une mortelle inquiétude.
En effet mon humaine étant "sur-vigilante d'examens" (il me semble que c'est une belle promotion, mais je n'en suis pas sûre), je suis devenue de mon côté, à titre temporaire, sur-vigilante de maison. D'ordinaire, je veille. Aujourd'hui, j'ai sur-veillé. J'ai appris que les deux attributs d'un bon sur-vigilant d'examen n'étaient pas un caillou (comme les grues en ont) et une lanterne (comme les grues n'en ont pas), mais un bon crayon à bille et un bon livre. Le bon crayon à bille, m'a révélé mon humaine, sert à la fin de l'examen, pour "l'émargement". Si tu n'es pas capable de mettre à la disposition des candidats un basique de cette espèce, a-t-elle continué, ce n'est même pas la peine de sur-veiller. Car c'est alors que tu les verras fourrager interminablement dans le désordre de leur équipement pour en extraire une plume, ou exhiber à la honte et confusion de leurs semblables le stylo luxueux qu'ils ont reçu en présent et récompense de leur dernière mention P (Passable). Ces circonstances ne sont propres qu'à ralentir les opérations de l'émargement et à accélérer la lutte des classes. Quant au bon livre, il n'est pas moins indispensable, a-t-elle continué, fort sentencieuse. Car si d'aventure tu sur-veilles en compagnie d'un collègue avec qui tu ne souhaites pas t'entretenir bec à bec pendant quatre heures d'affilée, il te faut une occupation ou un divertissement compatible avec la sur-vigilance. Au ton doctoral avec lequel elle m'a expliqué comment accéder au grade de sur-vigilant, je compris que c'était là, de fait, une très enviable promotion, et très convoitée. Toutefois, je ne pensais pas qu'elle avait inventé toute seule cette affaire des attributs de la sur-vigilance. Comme je la soupçonnais d'avoir tout bonnement copié (et par voie de conséquence collé) ces informations dans la fameuse Iconologia (bon, j'ai trouvé le caractère italique) de M. Ripa Cesare, elle n'a pas eu le dos tourné que j'entreprenais de vérifier. Et voilà ce qu'écrit M. Ripa Cesare, qui ne manque jamais d'ajouter des notations physiognomoniques, gestuelles et vestimentaires très précises à ses propositions :
« La Sur-vigilance se peint ordinairement sous les traits d'un homme d'âge mûr, à la complexion sèche et sévère. Il aura des besicles et une cravate de couleur neutre ; sur sa tête on verra une montre d'horloge de couleur jaune, parce que cette couleur caractérise l'humeur mélancolique qui convient à l'étude et à l'anxiété mêlées ; dans la main dextre il aura un bon stylo à bille servant à la multitude lorsqu'elle atteste sa présence par un griffouillis en marge d'un rôle, et dans la senestre un bon livre, signe qu'il cultive l'otium ou loisir studieux (ni Vogue hommes ni Rustica ne siéraient ici) ; à la ceinture il aura, bien fixée, une lampe de mineur, afin de détecter dans la pénombre la présence coupable des ingénieux artifices hydrauliques qu'outre-monts on nomme « pompes », et qui servent à élever au-dessus de leur étiage moyen les eaux de la connaissance, là où elles font le plus défaut ; à ses pieds, on peindra encore « la charte des examens » toute resplendissante au milieu d'un amoncellement de sacs où se liront les mots « converse », « ucla », « l'Aigle sportif », « Hello Kitty », certains s'ornant en outre de têtes de mort et de tibias comme on en voit à l'église romaine dell'Orazione e Morte, via Giulia, non loin du palais où j'ai l'honneur de servir le Révérendissime Cardinal Salviati. De nos jours, on représente aussi la Sur-Vigilance plus replète, avec un ordi portable et son muridé cliquant et double-cliquant ; au lieu de la cravate, on peint parfois un polo ou « petit tricot » de couleur tantôt glauque, tantôt feuille morte, pour signifier et rappeler que l'examen ne promet pas toujours aux impétrants l'éclat de la gloire. Certains font à présent la Sur-Vigilance sous les traits d'une femme, mais cela n'est pas bien composé, parce qu'il est impossible que ce sexe accède jamais aux charges et honneurs universitaires, nonobstant l'excellence de la réputation de quelques dames illustres de ce siècle, comme ont été Madame Vittoria Colonna (protectrice du divin Michel Ange), Madame Renée de France, duchesse de Ferrare (ornement de son sexe) et Madame Geneviève Bianquis (très savante ès lettres germaniques) qui a donné son nom à un amphithéâtre de l'Université de Città di Gabriele. »
Ayant lu ces lignes du Chevalier Ripa et me trouvant, comme j'ai dit, seule à la maison, je fus soudain saisie de panique. Je voyais mon humaine aux prises avec cent périls à cause de cette sur-vigilance et des responsabilités considérables qui lui sont inhérentes. Aussi, mettant un terme aux agréables modulations de M. Léo Ferré, j'alertai Alphonse, mon très cher ami, qui se trouvait justement à Città di Gabriele.
-Est-ce bien urgent ? Je suis très occupé, répondit-il. Je répare le collier de Lazare. (Lazare s'est vu conférer il y a peu l'Ordre de la Toison d'Or.) Ton humaine ne court pas un bien grand danger.
J'insistai tant et tant qu'à la fin il accepta de se poster sur le rebord extérieur d'une ouverture de l'amphithéâtre Renée de France (ornement de son sexe). De là il me fit savoir :
- Je suis en plein courant d'air et un morceau de zinc plastifié bat au vent, prêt à me décapiter.
- Et qu'est-ce que tu vois ?
- Je ne vois rien du tout, les stores sont bloqués !
- Je t'entends mal. Qu'est-ce qui est bloqué ? (Tout blocus me hérisse comme un cent de puces.)
Alphonse, mon très bon ami, réussit enfin à se couler le long d'un gros tuyau blanc servant d'architrave à cette architecture, et à avoir une vue plongeante sur l'amphithéâtre Renée de France (ornement de son sexe) et sur mon humaine.
- Elle n'a pas l'air de s'en faire, dit-il. Elle est en sûreté. Elle lit le Désastre de Pavie de Jean Giono, excellent ouvrage. Mais dans l'amphi, ça frise la méningite...

mardi 15 janvier 2008

Le 15 janvier



« Nicolas Sarkozy a choisi de faire des événements de sa vie privée des événements publics, comme Louis XIV : le petit matin du roi, le déjeuner du roi, le coucher du roi, les maîtresses du roi, un peu comme la monarchie où chaque événement privé du roi était un événement politique », a estimé hier Mme Ségolène parlant à la radio.
J’achevais ma collation matinale de croquettes « Vital Balance » (mes préférées) avec la mine humble et un peu chagrine qui nous caractérise lorsque nous déglutissons, quand j’ai entendu cette bêtise. Je ne l’ai pas entendu proférer par son « auteureu » même, de sa voix monocorde si peu faite pour l’éloquence, mais rapportée dans ce que l’on appelle une revue de presse. Une revue de presse peut être un florilège intelligent de bêtises, c’est tout son intérêt, mais souvent cela se réduit à une espèce de démultiplicateur ruminatoire de bêtises. Et je m’y connais en revues de presses radiophoniques, car elles accompagnent souvent mes pauses gastronomiques.
Eh bien je veux moi aussi apporter ma contribution au charivari général.
Il y a peu, un chroniqueur qui croyait peut-être se hisser ipso facto dans l’empyrée des doctes, s’emparait de la théorie des « deux corps du roi » formulée naguère par le grand Ernst Kantorowicz, pour stigmatiser la forfanterie (assez voyante il est vrai) du petit président de la république des humains de notre pays, qu’il accusait de confondre ses « deux corps ». Naturellement, ce polygraphe n’avait pas compris le premier mot de cette théorie que connaît parfaitement tout étudiant en histoire (et en histoire de l’art) qui se respecte. Il y est question de la nature du pouvoir à l’époque médiévale et moderne, qui était essentiellement à la fois théologique et politique. Le Prince, suivant cette théorie, a « deux corps » ; comme individu, il a un corps terrestre et comme souverain il incarne l’indivisibilité et la continuité du corps politique, raison pour laquelle, à la mort du roi de France, on acclamait : « Le Roi est mort, vive le Roi ! » La personne du roi est double, parce que la doctrine de la puissance royale se fonde sur une pensée théologique de la société chrétienne, transposition dans le domaine politique du corps mystique qu’est l’Église. Ce n’est jamais que par métaphore (ou plutôt par abus de termes) que l’on parle aujourd’hui du caractère « monarchique » d’un président, surtout élu au scrutin intégral, quelque féeriques que soient les affiquets symboliques qu’il utilise.
- Le scrutin intégral ? Qu’entends-tu par là, ma chère Krazy, m’a demandé mon humaine lorsque je lui ai fait part de mon irritation.
- Je veux dire la votation plénière, la consultation globale, quoi…
- Je ne comprends pas.
- La volonté populaire, le machin collectif…
- ???
- Oui, comme les soldes, le telton, le mondial…
- Je n’ose pas imaginer que tu parles du suffrage universel, mais avec toi, tout est possible.
- Et voilà maintenant que l’on nous sert « le petit lever » de Louis XIV ! ai-je poursuivi. Si encore Mme Ségolène avait stigmatisé le jeu de reversi, qui fait dit-on fureur dans les cabinets ministériels, et où l’on perd cent mille pistoles en un soir !
- Ma chère Krazy, tu dis n’importe quoi, a cette fois déclaré mon humaine au mot de « reversi ». Et où veux-tu en venir ?
- À ceci, que le petit lever du roi, le grand couvert, etc. n’étaient pas autre chose que de multiples occasions non pas pour Sa Majesté de se montrer, mais pour les courtisans de se montrer à Sa Majesté. Contresens à tous les étages, dirait Alphonse, mon très cher ami.
- C’est bien dit. L’inculture des politiques est en effet plus que préoccupante. Mais en attendant qu’ils révisent leur Malet et Isaac, tu diras à Alphonse, ton grand ami, qu’il n’est pas question qu’il fasse son vernissage un jour de lessive.
- Dommage, il disait que c’était justement son concept.

dimanche 13 janvier 2008


Mince, je me suis trompée ! Allez voir directement en-dessous à la date du 13 janvier, et bonne lecture !

Le 5 janvier


Le 5 janvier
A nouveau Alphonse, mon très grand ami, a pris le TTV (train très véloce) ! Et à nouveau dans le bagage d’un élu ! Cette fois, il s’agissait d’un sénateur chargé de la Culture ! La technique d’Alphonse est désormais parfaitement au point : il se pointe à la librairie ferroviaire « Respite », guette l’élu et pendant que celui-ci effeuille les tabloïds à la recherche des colonnes qui le célèbrent, il fait prestement glisser la fermeture à glissière et s’engouffre dans l’espace laissé libre entre la brosse à dents et la brosse à reluire. Il n’a plus qu’à se laisser rouler dans Paris sur les roulettes du petit véhicule. A l’arrivée, il a juste les oreilles cassées par le roulement et les reins un peu meurtris.
Le sénateur a pris possession d’un agréable pied-à-terre rue de Vaugirard et s’est rendu aussi sec à un rendez-vous tandis qu’Alphonse, se désincarcérant à force de griffes, se trouvait sur une épaisse moquette pâle, nez à nez avec une créature de notre genre nommée Jane-Odette, une très bavarde bobtail japonaise.
- Ne reste pas planté là, lui a-t-elle dit aussitôt, viens donc avec moi voir l’expo Archie Boldo. Après, on ira chez Ladurée, ils ont de nouveaux Whiskas.
- Tu es sûr, très estimé Alphonse, l’ai-je interrompu, que ce n’est pas « Arcimboldo » Giuseppe (1526-1593) ? Mon humaine a vu cette exposition, et pendant qu’elle y était, j’ai lu derechef plusieurs livres sur ce peintre si original et sur la cour de l’empereur Rodolphe II, toutes choses d’ailleurs fort bien connues du public cultivé depuis les travaux de cet Américain, le professeur Thomas DaCosta Kaufmann.
Je sentais la jalousie me pointiller quelque peu et commençais à me revancher en étalant mes connaissances, expédient nul en pareil cas, comme chacun sait ou plutôt ne sait pas, puisque les sentiments nous font toujours retomber dans les mêmes ornières.
- Certes, a répondu Alphonse, mais je ne crois pas que nous parlons de la même chose. Jane-Odette m’a emmené dans une galerie de la rive gauche où un plasticien roumain, Archibald Grigurescu, bénéficie du mécénat de la branche infision pour le foie de l’Oréal pour faire des installations avec des primeurs d’après le portrait de Rodolphe en Vertumne. C’était une présentation privée, et…
Je ne le laissai pas continuer, j’étais submergée par l’émotion. Je n’y comprenais rien ! Je le sentais s’éloigner de plus en plus de moi et de notre petit monde familier. Qu’était-ce qu’une « infision » ? qu’une « installation » ? Fallait-il absolument en passer par ce jargon pour mener à bien son projet de la BUANDERIE ?
- Laisse-moi poursuivre, a repris mon ami Alphonse. (Oui, vraiment un très bon ami.)
- Mais, mais…
- Ecoute-moi, te dis-je. Tu ne devineras jamais qui j’ai vu dans cette galerie. Le sénateur ! Alors Jane-Odette m’a présenté, elle a dit que j’étais son « pote », que j’avais un vécu super, des tas d’idées, qu’« en fête » je pourrais développer le concept d’Archie Boldo en région, si seulement on me donnait un petit coup de pouce. Mais le sénateur, il n’avait pas l’air « en fête » du tout, il n’était pas emballé, il était soucieux…
- Il avait d’autres xxx à fouetter, sans doute. Mais pourquoi dis-tu toujours « en fête », « en fête » ?
- Je ne sais pas, tout le monde le dit.
- Raison de plus pour ne pas le dire. Et alors, comment es-tu rentré ?
Alphonse était un peu penaud. Je pense d’après l’odeur « sui generis » de son pelage rêche qu’il a été bien content de trouver un camion qui allait de Rungis à notre « région ».
- Et ton humaine, qu’est-ce qu’elle en a dit, de la véritable exposition Archi…blondo… ?
- Arcimboldo Giuseppe (1526-1593) ! Elle a été très contente de revoir les tableaux qu’elle connaissait, mais ils n’étaient pas toujours bien éclairés. Il y en avait qu’elle n’avait jamais vus, par exemple un qui n’avait jamais été exposé, une très belle allégorie synthétique des Saisons, que le peintre avait voulu offrir à son ami le poète Comanini. Les objets du cabinet impérial de l’art et des merveilles sont d’ordinaires visibles à Vienne, mais ils étaient très bien choisis, et c’est toujours un tel plaisir que ce mélange de la peinture avec d’autres objets de délectation et d’étonnement ! Et puis les projets pour les fêtes, les dessins sur l’élevage des vers à soie, que l’on n’avait jamais vus qu’en reproduction !
- Il n’y avait pas trop de monde ? a demandé Alphonse presque timidement. J’ai vu la file s’étirer tout autour du grand jardin qui est près de ce palais du Lustembourg.
- Du Luxembourg, qu’on dit ! Bien sûr qu’il y a la foule dans ces expositions. Je crois savoir qu’il y a beaucoup d’enfants. Les parents prétendent montrer en détail à des putti de deux ans tout au plus les effigies de toutes ces archiduchesses. Au bout d’un quart d’heure, ils sont tous excédés et les têtes composées les font soupirer après une expo de cucurbitacées en plein air.
- Alors ils n’avaient qu’à aller voir l’enfer de la TGB, a cru bon de répliquer mon pauvre cher Alphonse.
Et moi :
- Cette Jane-Odette, à la longue, tu aurais compris qu’elle n’était pas ton genre…

Le 13 janvier


Des marchands de cacahuètes, des adjudants, des révérends, des employés de compagnies d’assurances, des chauffeurs de maître, des femmes de chambre, des reporters, des stars sur le retour, des mineurs de fond, des enfants terribles, des harengs terribles, des prisonniers de guerre, des ex-nazis reconvertis en chanteurs de café-concert, des éditeurs de feuilles de chou, des aviateurs, des avocats des causes perdues, des saxophonistes, des contrebassistes, des contrebandiers, des prostituées, des étudiants fauchés, des pléonasmes, des garagistes, des professeurs de piano, des scénaristes en mal d’inspiration, etc., etc. Voilà ce que d’après moi, qui ai vu TOUS les DVD de Billy Wilder, on voit au cinéma. Or, je me crois à peine quand j’écris, voilà qu’un nouveau personnage est en train d’apparaître au cinéma : le professeur d’université !
En voici la preuve, trouvée au hasard de ma lecture négligente et dédaigneuse du quotidien local, quand il a servi à protéger le parquet des épines du sapin que l’on « démontait » (ce que ça signifie de « démonter » un arbre, je vous le demande un peu) et que je tournicotais, incapable de trouver dans cette maison un havre de paix.
Certes, si le quotidien local avait été ouvert à l’une des nombreuses pages « sports », ou à la non moins étonnante page « décès », je ne serais pas en mesure de commenter cette stupéfiante nouvelle.
Et sur quoi me fondé-je pour « relayer » (ce que ça signifie de « relayer » une nouvelle, je me le demanderai toujours) dans mon blog à l’audience confidentielle et choisie une information pareille ?
J’ai lu, ou plutôt entrelu entre les épines dudit sapin (qui à la fin des fins s’est bien révélé indémontable, comme je l’avais prévu), que M. Klapisch, un jeune cinéaste très à la mode depuis un bon bout de temps (comment des gens arrivent-ils à être dans le coup pendant des décennies, c’est ce qu’il me faudra demander à Alphonse, mon très cher ami, récemment promu Directeur de la BUANDERIE), vient de faire un très long métrage dans lequel un personnage est un professeur d’université, et même un professeur d’histoire ! Mais je me trompe, l’article disait évidemment : un « prof » d’université.
(Je comprends bien que les étudiants disent les « profs », mais pourquoi la multitude s’est-elle emparée de ce diminutif qui appartient au folklore interne d’une communauté ? Pourquoi une corporation tout entière le tolère-t-elle ? Même les administrations l’emploient dans des messages électroniques tapés comme avec les pieds, honte sur elles ! Il vaut mieux par les temps qui courent avoir un nom bref et bien sonnant. Par exemple « chat ». Vous ne pouvez pas abréger les « chats ». Sauf à susurrer « chch… », ce qui revient à dire : « chut, taisez-vous, parlez bas ». Encore notre nom est-il désormais traîtreusement dévoyé, puisqu’il veut dire aussi bien, si on le prononce d’une certaine manière, « parlote sur le net » !)
Donc ce « prof d’université » est joué paraît-il par M. Luchini, je suis très curieuse de voir ce grand acteur dans un pareil rôle. Je devrai toutefois, comme d’habitude, attendre le DVD.
Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de faire des digressions, c’est encore pire que d’habitude. Il faut croire que le sujet s’y prête. Je devrais en effet ajouter que mon humaine se souvient d’une très longue et bonne conversation avec une dame collègue qui porte un peu le même nom que ce M. Klapisch, une dame qui nous aime, d’ailleurs. Mais chch…
Bon. Attendons ce long métrage. Mais ce n’est pas tout. Il était encore question dans la feuille de chou, et en première page, en gros, en couleurs, d’un certain M. Claudel qui est romancier à succès, qui se lance maintenant dans le cinéma, et qui vient de faire un film, et pas un petit métrage, dans lequel un personnage, féminin cette fois, est une « enseignante à l’université », on ne connaît pas son grade, je crois qu’elle enseigne la linguistique ou quelque chose comme ça. Je ne sais plus par qui elle est jouée, l’article dévidait pourtant toute la distribution par ordre analphabétique. A ce compte-là, je pourrais moi aussi me mettre à faire des films, et j’y mettrais des personnages qui seraient des « personnels Biatoss », au moins on serait proche de l’inspiration de Billy Wilder et ce serait moins banal. Car qui n’est pas, de nos jours, « enseignant à l’université » ? Si quelqu’un ne l’est pas, c’est qu’il ne l’est pas encore. Même M. Claudel l’est devenu, car dès que l’Occasion à la tête pelée (ce n’est pas moi qui ai inventé ça, c’est M. Callistrate) a étendu sur sa tête romancière une main protectrice quoique chargée de menottes (raison pour laquelle ce monsieur a aussitôt écrit un best-seller sur les prisons), M. Claudel s’est empressé d’écrire une « thèse » et il a été reçu avec tous les honneurs à l’Université de Monaco, devant 499 candidats, dans des conditions à peine plus enviables que Mlle Margarine Pingoin à l’Université des Bords-de-Mer. Sur les 499, 15 firent un voyage long, coûteux et parfaitement inutile pour être « auditionnés » par des jurés si bien acquis à la cause de M. Claudel que plusieurs lui demandèrent humblement des autographes en lui promettant de l’ « habiliter » le semestre suivant, consacré à un congé pour recherches.
- Tu es parfaitement sibylline, aujourd’hui, me fait observer mon humaine. Si tes lecteurs ont lu Callistrate et les emblèmes d’Alciat, ils n’auront pas perdu leur temps avec les romans de M. Claudel. Et vice-versa.
- Qui sait ? On verra peut-être sous peu Callistrate et Alciat orner les rayons de « Respite ». Eh bien, moi, ai-je poursuivi, quand j’écrirai un scénario où il y aura des universitaires, ça se passera dans des hôtels bon marché, des CFTP (Chemins de Fer Très Prompts), beaucoup de couloirs où je ferai des gros plans des moutons datant du dernier PBQE (Plan Bonus Qualité Excellente), des…
- Mais tu es méchante aujourd’hui… Demandons-nous plutôt pourquoi l’université fait encore rêver sur ce mode-là, se réduit à cette mince sociologie de parvenus que l’on envie et méprise.
- J’ai déjà une idée de titre : La Grande Combine !
- Mais c’est un film de Billy Wilder, ça ! Je file à la médiathèque pour te chercher autre chose… Pousse-toi, que je descende ce sapin.
- Sic transit, etc., ai-je soupiré…

mardi 1 janvier 2008

Bilan, perspectives et résolutions !



Inventaires, renaissances et desseins en tout genre ! J’en ai déjà les oreilles fatiguées. Je n’en dirai pas un mot.
Oh, les mots ! A les faire un peu rouler sur mes parquets (toujours en pente, mais douce), je vous les pèle proprement, moi ! Ainsi de « réforme », qui fait courir sur mon échine des voltages excessifs ! Je prétends que lorsque l’on a la volonté de réformer une chose (et l’on pourrait peut-être commencer par se réformer soi-même), c’est parce qu’elle ne marche plus, qu’elle est pleine d’abus insupportables et produit des effets nuisibles. Réformer, c’est donc mettre fin à des maux, avec résolution.
L’on apprendra de ma plume indiscrète que mon humaine a rangé son « bureau » ; ma méditation sur la « réforme » provient directement du temps que j’ai passé à la surveiller au chaud sous la lampe, plongée que j’étais par ailleurs dans le vieux livre de Léon Halkin sur Erasme, l’humaniste au nez et à l’esprit effilés. Je ne sais pas grand chose des maux dont était affligée l’Eglise au début du XVIe siècle, nos annales ne nous ayant pas laissé beaucoup d’informations sur notre vie au milieu de l’incurie de la Curie à l’époque de ces Jules II et Léon X. Si maux il y a, il faut bien entendu y porter le fer salutaire, non pas se contenter d’empiler des rectifications sur des calamités. Le mot « réforme » n’a pas plus de valeur de nos jours qu’une campagne de soldes dans une unité de vente de distributeurs de croquettes made in China. Se souvient-on de l’expression « bête de réforme » ? Les bovins, oui, savent bien ce que cela veut dire : hélas, cela veut dire que se profile à l’horizon le camion frigorifique. Quant au mot « reformatio », qui signifie une véritable métamorphose, il a été entièrement oublié. Et voilà pour l’Université, que l’on met régulièrement à la réforme bien qu’elle ne soit quand même pas un animal de boucherie. A bas la réforme, vive la «reformatio » !
Mais ce n’est pas du tout ce dont je voulais parler. J’en étais l’autre jour au Musée et à ses problèmes lorsque j’ai été interrompue par des fâcheux. Or justement, cette nuit, pendant que les fêtards fêtaient, que les pétards pétaient et que les étants étaient, avec Alphonse mon très cher ami nous étions tous les deux dans la buanderie, assis sur des chiffons à poussière et faisant des projets muséaux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, si nous nous trouvions en ce lieu ancillaire, ce n’est pas du tout parce que nous nous y étions réfugiés. Nous y étions par choix. En effet, il y a là certain observatoire incomparable sur l’ensemble de la maison, y compris sur les occultes boyaux et détroits par lesquels s’introduisent de temps à autre les muridés. Or Alphonse a eu l’idée – il a toujours cent idées à la minute, mon ami – de faire de cet endroit un atelier d’artiste et une galerie, une sorte de « frac », m’a-t-il déclaré (je l’imagine déjà aux vernissages avec un nœud papillon autour de son cou musclé par la gymnastique sur les gouttières et antennes paraboliques). Il a trouvé le nom : ce sera LA BUANDERIE, tout simplement. Il y a dans d’autres villes « la Laiterie », « le Silo », « la Déchetterie », « le Dépôt », « la Filature », « le Casse-Auto », « la Manufacture » et des lieux célèbres de ce genre voués à l’Art et au Beau, m’a-t-il expliqué. Il est temps qu’il y ait ici cette BUANDERIE.
Alphonse, mon très grand ami, voudrait que je sois à l’accueil et que je m’occupe en outre du site et du blog, « de la com » comme il a dit. D’emblée, je me sentis flattée, à cause de la petite fierté que je retire de mes compétences en informatique. Toutefois, il me parut que ce serait fort astreignant, et surtout, que les appâts du genre féminin, dont la Providence m’a assez bien pourvue, je le dis sans la moindre vanité, n’ont pas à servir de faire-valoir à une telle entreprise.
- Je verrais mieux un CDI pour un étudiant qui en a plus besoin que moi, lui dis-je.
- Bon, d’accord, tu as raison, répondit-il, car il a a quand même du jugement et n’est pas têtu, ce qui est un grand signe d’intelligence. Nous demanderons à ton humaine.
J’étais bien contente. Une fois de plus, nous étions d’accord. Nous passions donc d’une année à l’autre en faisant de concert des plans aussi utiles qu’agréables, ce qui nous met sous d’heureux auspices.
- Nous commencerons par un partenariat entre LA BUANDERIE et le Musée, a continué Alphonse. Il faut en parler à Messieurs Loriot et Berlingot.
- Si tu me promets de ne pas voler dans les plumes du Loriot, ni de sauter toutes griffes dehors à la truffe du Berlingot, je veux bien demander à mon humaine qu’elle les invite. Mais ça fait déjà deux requêtes à formuler. C’est beaucoup. En plus, elle est très occupée en ce moment. Elle écrit des souvenirs.
- Elle est donc si vieille que ça ? s’enquit Alphonse, mon bon ami, avec une certaine irrévérence.
- Je crois que ça n’a rien à voir avec l’âge.
- Mais est-ce qu’on peut compter sur elle, oui ou non ?
- Disons que oui. Mais raconte-moi ce que tu veux faire à l’occasion de ce partenariat. Il faut que je prépare le terrain.
Le terrain au sens propre, nous avons commencé à le préparer, en faisant prévaloir l’idée sur la réalisation, a insisté Alphonse. La chaudière servira de cimaise pour les grands formats. La question de la lumière sera reposée. Le « meuble des matériaux » fera l’objet d’un nouveau questionnement. Le coin entre la machine à laver et l’évier sera dévolu à la vidéo. Le panier à linge est un en-soi sur lequel Alphonse a pris des notes dont il pense qu’elles deviendront une référence essentielle. Un ventilateur défaillant deviendra l’emblème de l’objet défaillant quand il défaille, tandis qu’une chaise revisitera l’icône de Marie-Madeleine.
- Mais le partenariat ? ai-je insisté à mon tour.
- Je veux faire une performance avec « la Femme à la puce » du dénommé La Tour.
- D’abord, ne dis pas « la Femme à la puce », mais « la Servante à la puce ». Mon humaine a démontré que c’était une servante, et elle est très chatouilleuse là-dessus.
- Chatouilleuse ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
(Il m’ennuie. Rien à répondre à cela.)
- Je n’ai pas encore tout mis au point. Mais il y aura un écran plat sur lequel on verra cette femme en chemise s’animer, se lever. Un muridé de l’espèce domestique apparaîtra soudain, et la femme ou servante épouvantée grimpera sur la chaise en serrant autour de ses genoux sa chemise de gros chanvre, en faisant tomber la chandelle. Le noir sera le noir. La proposition artistique du La Tour débouchera enfin sur sa base théorique ultime.
(Débouchera quoi ? Je suis accablée.)