jeudi 1 avril 2010

Au Salon du Livre


Le 1er avril


Et d’abord, toute ressemblance de ceci avec un poisson d’avril serait purement fortuite.
Depuis combien de temps n’ai-je pas fait mes confidences à mon cher journal ? des mois peut-être. Pourtant, nous avons eu bien des aventures et raisons de rire. Mais l’ego-document est en crise, ou mieux, « il crise », comme Jésus lui-même. (Alphonse, my darling, que ses séjours parmi les loubards inclinent souvent au blasphème et au libertinage rien moins qu’érudit, me fait remarquer qu’à cette époque de l’année liturgique, le contraire serait étonnant.) Pour en savoir plus, cliquez ici : http://www.jesuscrise.fr/ ou ici : http://www.paperblog.fr/2968376/le-slogan-du-diocese-de-nancy-pour-le-denier-de-l-eglise-provocation-et-vulgarite/
Donc, disais-je, l’égo-document, l’autobiographie, les correspondances, les journaux qualifiés d’intimissimi, comme une fameuse marque de dessous (dont je n’ai que faire), ne se portent pas bien.
Il y en a des multitudes, et nimia cura nocet, comme dit Sylvestre Sylvestre : tout le monde éprouve désormais le besoin de raconter son bac, ses problèmes de sevrage, de couchage, de mangeaille, ses rapports avec la-jeune-fille-au-thermomètre et l’homme-du-gaz, ses états d’âme à cause des souris-de-feutre-qui-se-délitent.
Pourtant, au Salon du Livre de la Porte de Versailles où mon humaine a bien voulu me conduire, se figurant probablement que je lui servirais d’attachée de presse bénévole et de faire-valoir à titre gracieux, l’ego-document avait plutôt le vent en poupe. Nous avons fait un assez bon voyage dans le TER ou Terrific European Railway, en classe exceptionnelle – j’ai trouvé que cette classe exceptionnelle était exceptionnellement envahie de gens qui avaient une apparence de distinction mais qui mangeaillaient, se vautraient et se livraient à l’adoration de petits appareils appelés en français des « mûres ». En effet, c’étaient des mûres bien mûres à en juger par la couleur. J’ai conclu que le dimanche, les humains mangeaillent, se vautrent et flattent leurs mûres, et supposé qu’en semaine, ils restent sobres, s’assoient normalement sur leurs ischions et se consacrent à des vertes et des pas mûres. Mais mon humaine m’a détrompée ; elle m’a dit qu’en toute saison et en toute classe du chemin de fer et de la société il y a des malotrus et elle a poursuivi avec quelque chose de bien embrouillé sur la nature humaine où il était question de M. de La Bruyère, de M. Racine, de son nouveau copain M. Barclay (pas Eddy mais Johnny) et de M. Bondieu ou Tudieu, je ne sais plus, qu’elle n’a pas l’air de tellement apprécier.
Ensuite nous avons pris le tubulaire des taupes.

Puis nous sommes arrivées sous une cloche où on nous a donné des étiquettes avec notre code-barre (je n’ai pu savoir quel était notre prix TTC), un épais catalogue où nous avons aussitôt cherché nos noms, mais nous n’étions pas parmi les VIP, qui n’étaient que quatre-vingt-dix. J’ai dit que c’était un nombre qui ne valait pas grand-chose, mais aussitôt senti que mon opinion non plus ne valait pas grand-chose dans ce temple de l’intelligence. Alors nous nous sommes dirigées vers notre stand où M. l’Editeur, qui est l’homme le plus spirituel et affable du monde m’a fait de grands compliments sur mon collier en plastique, mon poil peigné une fois par semaine et mes trois blogs. Nous étions donc assis tous les trois derrière nos piles de livres. Des files prodigieuses de badauds se pressaient à l’assaut des stands où il y avait les écrivains qui passent à la télévision en nous ignorant et nous commencions à être sérieusement déprimés (comme je dis toujours, il est difficile de croire qu’on est quand même les meilleurs) lorsqu’arriva une jeune dame qui semblait fort intéressée par les productions de nos méninges.
Je me dis bien à part moi : « Mais elle ressemble à la ministre des EC, celle-là ! » Seulement, je ne dis rien, naturellement. Je ne voulais surtout pas attirer l’attention de la recherche au plus haut niveau sur le cas singulier et émergent d’un chat qui parle (et qui écrit), ayant bien trop peur de me retrouver dans un labo de pointe ayant une politique de fusion ou d’articulation. Pour an savoir plus, tapez là-dessus : http://www.cpu.fr/Actualites.240.0.html?&no_cache=1&actu_id=244
Mes deux commensaux humains ne semblaient rien voir. Ils affectèrent un air nonchalant, ne voulant quand même avoir l’air de marchands de harengs sur le marché. Ils continuèrent même à parler de gens défunts tels que M. Nietzsche et M. Charles Du Bos, et même cela les faisait rire, parce qu’ils imaginaient ce que ça allait donner lorsque M. Béachel et M. Sollers allaient redécouvrir M. Du Bos. (Je ne comprends toujours pas que l’on rie à propos des défunts. C’est comme si je riais à l’évocation de feu Toto, d’illustre mémoire.)
Bon.
Croyez-moi si vous voulez.
La dame blonde a dit en prenant un livre entre ses mains alourdies de clinquaille : « Mais ils sont écrits ! »