lundi 31 mars 2008

De LA BUANDERIE au Pincio

Inutile de faire trop long. Voilà ce qu'Alphonse, mon très cher ami, trouvera demain au courrier.

Le Président de la République
Paris, le 31 mars 2008
A Monsieur Alphonse Muchat
Directeur du Centre d’arts transplastiques LA BUANDERIE


Monsieur,
Madame la Ministre de la Culture et de la Com m’a fait part de la proposition retenue par la commission consultative pour le choix du nouveau directeur de l’académie française de Rome, de vous nommer à ce poste. Je tiens à vous en féliciter au nom du Peuple Français.
Cette nomination récompense votre engagement au service de l’art et des arts. Elle montre quelles belles réussites peuvent être obtenues grâce à l’acharnement au travail que la France n’a jamais cessé de promouvoir et de défendre.
Nous avons retrouvé dans vos affiches les valeurs d’une appellation mondialement connue, et dans votre vidéo « Instant Magic 30’ » l’émotion qui a été celle des milliers de lecteurs des « Fureurs héroïques » du Signor Giordano Bruni, que vous avez su adapter avec sensibilité et élégance. Je tiens à évoquer sa mémoire en ce jour de joie et de fierté.
En vous réitérant toutes mes félicitations, je vous prie d’agréer, Monsieur,
l’expression de ma considération distinguée.
Nicolas Sarkozy

dimanche 30 mars 2008

Le 30 mars


Je me suis trompée ! je croyais que l'heure des taies me procurait une heure de sommeil surnuméraire. Hélas, c'est l'inverse qui s'est produit et je m'en trouve toute perturbée. Dommage, car mon dessein était de me livrer à certaines spéculations sur la théorie comparée du carrousel plein de diapositives et du powerpoint. A moins que l'approche du premier jour d'avril ne m'inspire tout autre chose... Allons, voyons si nous trouvons une couche propice à cette entreprise.
(Note : Mlle Krazy a présentement élu domicile sur un balai à franges.)

lundi 24 mars 2008

Eloge de la Mémère



Krazy à son cher ami Alphonse. Salut.
Ces jours derniers, comme je revenais de Bourgogne en Lorraine, pour ne pas perdre tout ce temps que je devais passer dans le TSP (Train Super Prompt) en bavardages où les Muses n’ont pas de part, j’ai préféré réfléchir sur des questions ayant trait à nos communes études.
Jugeant que dans mon panier de voyage je devais m’occuper à tout prix à autre chose qu’à des mots croisés et autres sudokus, et les circonstances ne se prêtant guère à une méditation sérieuse (les voyageurs aux oreilles encombrées produisaient une basse continue continue), j’eus l’idée de m’amuser à un éloge de la Mémère. Quelle Pallas, me diras-tu, te l’a mise en tête ? C’est d’abord le mot de mémoire qui m’y a fait penser, car tu n’es pas sans savoir que chacun aujourd’hui a ce mot devant les dents, et que le plus oublieux, le plus étourdi, le plus écervelé des humains est capable de discourir à perte de vue sur le devoir de mémoire et le travail de mémoire. Et le mot de mémoire est aussi voisin de celui de Mémère que l’échine l’est de la Chine, ou la cause de la chose, la maison de la raison, l’odieuse de l’Odette, etc.
J’ai donc supposé que ce jeu de mon esprit recueillerait ton approbation, parce que tu prends d’ordinaire beaucoup de plaisir à ce genre d’amusements, et que tu tiens volontiers dans la vie le rôle d’un Démocrite. Tu accepteras volontiers de le défendre, cet éloge qui t’est dédié. En effet, il ne manquera pas de détracteurs pour le diffamer, disant que c’est une bagatelle à la fois trop légère et trop mordante, qui jette le discrédit sur la gravité académique. Mais ceux qui s’offusquent du caractère ludique de ma prose ferroviaire, je voudrais qu’ils songent que de grands auteurs avant moi se sont amusés avec l’éloge de la noix, du moustique, de la calvitie, de la fièvre quarte, du ciron, du corbeau, de la puce, de l’âne, du porcelet, de la guerre des grenouilles et des rats, et que les lecteurs y ont trouvé plus de profit qu’aux argumentations graves et spécieuses de certains quotidiens du soir et du matin. « Car si rien n’est plus frivole que de traiter de choses sérieuses avec frivolité, rien n’est plus divertissant que traiter de frivolités en paraissant avoir été rien moins que frivole », comme dit l’excellent M. Erasme.
Partout on entend dire du mal de la Mémère. Mais la diatribe la plus violente qu’elle ait jamais essuyée, c’est sous la plume d’un célèbre littérateur de notre temps qu’on la trouve, dont je tairai le nom par pure charité tant il s’est déshonoré en déblatérant cette figure vénérable, avec une haine proprement incroyable des tabliers en satinette à fleurs et de ce qui est en-dessous. Depuis, le même littérateur, bien reconnaissable à sa sempiternelle coupe au bol, s’est à nouveau avili en vilipendant « la France moisie », Gallia muscida, c’est-à-dire couverte de mousse (et non couverte de souris, comme on pourrait le croire). Mais je ferai un autre jour, tel un nouveau Virgile, l’éloge de la mousse, de la croûte du fromage, et de la souris. Aujourd’hui, je chante la Mémère, célébrée avant moi par le regretté Michel Simon.
La Mémère est accablée de toutes parts dans l’opinion, sa mise en plis du samedi, son tablier, son veillées des chaumières, son tricot, sa toile cirée, son pélagornium et son datura, sa télé surmontée d’une vierge de lourdes enclose dans une boule à neige, et bien sûr (hélas), son chinchin. C’est donc ramper terre à terre que de vouloir la louanger.
L’une des règles du genre veut que l’on commence par rehausser par leur patrie ceux que l’on a entrepris de louer : je poserai donc mon édifice sur une base d’or, comme dit M. Pindare, en affirmant que la Mémère vit le jour, non pas à Athènes certes, mais pourquoi pas à Paris, ou dans mille autres villes insignes, et que ce serait une erreur sociohistorique de la faire naître obligatoirement dans une commune de moins de trois cents habitants et dépourvue de projet porteur. On n’a rien de précis sur ses parents et sa première éducation. A l’âge où la pente vers le plaisir est facile à la jeunesse, la future Mémère, s’abandonnant à la première sorte d’amour, celui qui fait bouillonner dans l’âme les flots de la Vénus populaire, négligea-t-elle le labeur des nuits au point de rater quelques passages dans la classe supérieure ? Naquit-elle chez des gens de bien, mais point trop adroits, qui pensaient que le destin des filles est de trouver un époux et d’épousseter son petit chez soi ? On ne sait. Mais qu’importe, puisque c’est d’après ses œuvres que je veux juger la Mémère.
Or il n’y a personne qui puisse lui être comparé en fait de courage quotidien, d’ardeur impétueuse, de tempérance, de mépris des préjugés, d’humanité, de bonne foi, de bon sens, de bon cœur, de patience, de générosité, de sagacité, de fermeté et de droiture devant les orages de la vie, de vigueur et de persévérance : je ne sais où porter mon esprit tant la Mémère, modestement, obscurément, humblement, rend de services à la chose publique.
Cependant, il n’est pas difficile de sortir de cet embarras, et de choisir une seule de ses qualités. Homère souvent ne loue de ses héros qu’une partie d’eux-mêmes, les pieds, la tête ou la chevelure, quelquefois leurs armes, leur bouclier, car il est impossible de parler de toutes leurs perfections à la fois. Je ne retiendrai chez la Mémère que l’œil ouvert : elle épie inlassablement les occasions de bien faire, de rendre service et d’aplanir les obstacles devant ses voisins dans l’embarras. La franchise de sa parole lorsqu’elle résout un problème de gestion domestique est comme un fer qui brûle et coupe ; elle réveille malgré lui l’oisif assoupi comme s’il avait bu de la mandragore, et l’exhorte à planter sans délai ses pommes de terre (la saint Joseph, dernier délai !) ; elle se préoccupe fort peu d’être agréable à l’élu municipal qui a coupé quatre beaux tilleuls pour créer deux places de stationnement ; elle soutient de ses propres deniers et de sa présence assidue la seule association locale de macramé ; elle relève par ses encouragements la veuve esseulée, l’enfant que l’on gronde, le père d’un voyou ; elle fomente des alliances et des pactes là où ça paraissait impossible ; rien ne lui échappe, aucune ruse ne la trompe, personne ne l’achète.
Tu l’as compris, Alphonse, mon cher ami, la Mémère est la dame qui m’héberge quand mon humaine est au loin. Grâces lui soient rendues, ainsi que pour leur aide en fait de rhétorique à M. Erasme de Rotterdam et M. Lucien de Samosate.
A la campagne, un peu après les Ides de mars.

lundi 17 mars 2008

Le 17 mars


Décidément, je ne suis jamais dans le vent de l’histoire : hier soir, à l’heure où les résultats des élections tombaient, un livre mal rangé m’est presque tombé sur la tête, et c’était « André Chénier, Œuvres complètes ». N’ayant pas la force de le remettre à sa place – certains penseront peut-être que ma « debolezza » était due auxdits résultats -, j’ai entrepris de le lire, tout en me faisant la réflexion que si ç’avait été le livre de John Gage sur les couleurs, je ressemblerais à l’heure actuelle au petit collet de fourrure d’une chaisière, dépouille même pas panthéonisable (« Qu’est-ce que c’est qu’une chaisière ? » me demande Alphonse, mon très cher Ami, actuellement penché sur mon omoplate.)
Je ne l’ai lâché, ce livre, qu’à cinq heures du matin, qui est l’heure où d’ordinaire me prend une petite faim. C’est dire que je l’ai lu à fond, pas seulement « La Jeune Captive » et « La Jeune Tarentine » (celle-là m’a fait faire un cauchemar terrible, c’est triste de tomber d’un yacht aussi bêtement), mais encore des fragments d’odes et d’élégies, des articles sur la chose publique, des lamentations sur les excès des sociétés patriotiques, des ébauches, des bucoliques inachevées, des épîtres et que sais-je encore.
Il existe des blogueurs, des plumitifs, des publicistes et des polygraphes qui parfois, accablés de tâches, au lieu d’écrire, recopient d’interminables passages d’autres auteurs, avec l’excuse mensongère de les commenter. Je ne voudrais surtout pas les imiter, les ayant souvent âprement critiqués, mais de mes veilles à la lumière d’une lampe, je veux néanmoins rapporter ceci, cette exception, sous le titre « De la cause des désordres qui troublent la France et arrêtent l’établissement de la liberté ».
« Il existe au milieu de Paris une association nombreuse qui s’assemble fréquemment, ouverte à tous ceux qui sont ou passent pour être patriotes, toujours gouvernée par des chefs visibles ou invisibles, qui changent souvent et se détruisent mutuellement ; mais qui ont tous le même but, de régner ; et le même esprit, de régner par tous les moyens. Cette Société, s’étant formée dans un moment où la liberté, quoique sa victoire ne fût plus incertaine, n’était pourtant pas encore affermie, attira nécessairement un grand nombre de citoyens alarmés et pleins d’un ardent amour pour la bonne cause. Plusieurs avaient plus de zèle que de lumières. Beaucoup d’hypocrites s’y glissèrent avec eux, ainsi que beaucoup de personnages endettés, sans industrie, pauvres par fainéantise, et qui voyaient de quoi espérer dans un changement quelconque. Plusieurs hommes justes et sages, qui savent que dans un Etat bien administré tous les citoyens ne font pas des affaires publiques, mais que tous doivent faire leurs affaires domestiques, s’en sont retirés depuis. D’où il suit que cette association doit être en grande partie composée de quelques joueurs adroits qui préparent les hasards et qui en profitent ; d’autres intrigants subalternes à qui l’avidité et l’habitude de mal faire tiennent lieu d’esprit ; et d’un grand nombre d’oisifs honnêtes, mais ignorants et bornés, incapables d’aucune mauvaise intention, mais très capables de servir, sans le savoir, les mauvaises intentions d’autrui. » (Alphonse, mon ami toujours obligeant me dit de préciser ici : « Toute ressemblance entre cette situation - février 1792 – et l’actuelle serait évidemment pure coïncidence. »)
La suite : « Cette Société en a produit une infinité d’autres : villes, bourgs, villages en sont pleins.[…] Tant qu’ils les gouvernèrent, toutes les erreurs de ces sociétés leur parurent admirables, depuis qu’ils ont eux-mêmes été détruits par cette mine qu’ils avaient allumée, ils détestent des excès qui ne sont plus à leur profit.[…] Ces Sociétés délibèrent devant un auditoire qui fait leur force ; et si l’on considère que les hommes occupés ne négligent point leurs affaires pour être témoins des débats d’un club, et que les hommes éclairés cherchent le silence d’un cabinet ou les conversations paisibles, et non le tumulte et les clameurs de ces bruyantes mêlées, on jugera facilement quels doivent être les habitués qui composent cet auditoire ; on jugera de même quel langage doit être propre à s’assurer leur bienveillance. […] Ce gouvernement, dont chaque jour ils embarrassent la marche, ils l’accusent chaque jour de ne point marcher… »
- Etc., etc., tu n’as pas peur de te présenter ainsi à la vindicte des brigands à talons rouges et des brigands à piques ? me demande Alphonse. Où veux-tu en venir ? Vraiment, nous vivons dans un Etat libre et bien ordonné, as-tu vu tant de fripons pendant ces dernières électionsqu’il te faille exprimer ton ressentiment avec une telle énergie ? Ce n’est pas parce que tu as peur, comme nous tous, des humains qui sont réunis et qui crient que tu dois t’emporter avec ce M. Chénier, qui vivait à une tout autre époque que la nôtre !
- Mais tout citoyen a la devoir d’attaquer de front ce qu’il juge être pernicieux, n’est-ce pas ? Je n’ai pas dit avoir observé ces dernières semaines « cette terreur des bons, et cette audace des méchants » qui conduisit M. Chénier sur l’échafaud. Ce serait fort exagéré. Mais comme lui, je suis fatiguée des brouillons qui crient partout que la patrie est en danger, de tous ceux qui prospèrent sur la chose publique « comme des chenilles sur des arbres fruitiers » (pouah !), j’ai vu plus de passions déchaînées que d’honnêteté publique, et entendu plus de dogmes verbeux que de raisonnements, et cela me déplaît. Ajoute à cela le grand désintérêt de la moitié de ces humains pour le droit de voter, que l’on peut aussi bien appeler devoir.
- Tu m’étonnes ! Tu sais ce que les maîtres de la jeunesse enseignent depuis une génération en guise d’éducation civique ? Un exemple : la jeune fille d’en-dessous, qui est en quatrième, m’a dit avoir à faire un « dossier sur l’homoparentalité ».
- Bon. Ce n’est pas toi qui vas l’avancer beaucoup.
(Je ne sais pourquoi, il est vexé.)

samedi 8 mars 2008

Le 8 mars



Lazare m’a dit tout à l’heure : « Tiens, si nous allions prendre l’air, j’ai entendu dire que l’air était chargé de particules. » Je n’aime pas à contredire mes amis, aussi nous sommes-nous installés tous les deux derrière le garde-corps nous séparant d’une fenêtre, alors qu’en bas des humains fonçaient à une allure infernale dans leurs tôles à roulettes. Lazare est si curieux de tout ce qui touche à l’aristocratie, la noblesse et tout ça ! Enfin, de notre observatoire, en tordant un peu le col vers la gauche (eh ! oui, vers la gauche…), nous voyions la plus belle place du monde, et vers la droite (et pourquoi pas à droite ?) une porte monumentale aussi noire que du café, environnée par un « « espace en attente de requalification », c’est-à-dire inqualifiable.
Nous ne pouvions presque pas parler, étourdis que nous étions par la ruée desdites tôles qui se frôlaient, se dépassaient, leur dessein à toutes étant, il me semble, de s’enfuir le plus loin et le plus vite qu’elles pouvaient lorsque certaine lampe ronde devenait de la couleur d’une mandarine (je ne distingue pas trop mal les couleurs, grâce à ma formation dans les beaux-arts). Nous avons vu aussi beaucoup de ces doubles-tournettes que les humains appellent, je crois, « vélos ». Ces engins allaient à sens autant qu’à contresens et à la confusion ; souvent ils étaient montés par des dames à chignons et lunettes ayant pour la circonstance revêtu de longues jupes grises si peu commodes qu’elles devaient descendre et continuer à pied, encombrées de leur machine chargée de victuailles, de sorte qu’elles pouvaient s’emplir les poumons des fameuses particules. Un coup de pédale débouche les artères, une inspiration les rebouche, pensais-je assez cyniquement.
Et puis je me suis mise à somnoler, Lazare concentré voire inquiet à côté de moi. Je commençai même à rêvasser, et dans mon rêve se mêlait la perspective d’une mulot-party à laquelle je suis invitée pour les vacances vernales (il ne faut plus dire pascales, ça fait clérical) dans les Cévennes, et la rumeur d’une humaine conversation en-dessous de moi.
- Elles sont nulles les boutiques, ici… Elles sont…
- Arthur, je t’en prie, sois poli.
- Mes copains, ils ont des chaussettes prada, i m’en faut.
- Mon chéri, tu en auras la semaine prochaine.
- Non, i m’en faut tout de suite.
- Mais je ne peux pas t’en chercher tout de suite, j’ai mon cours de lapalissades, et après, mon taï tchi.
- Non, i me faut mes chaussettes, i me faut mes chaussettes.
Après, mon rêve me conduisit à l’intérieur de la Terre, où régnait un pandemonium digne à la fois d’un vieux film de Woody Allen dont le titre ne me revient plus, et des scènes proto-industrielles qui sont peintes sur les murs du Studiolo de Francesco de’ Medici et qui se passent dans les mines d’alun, les forges, les antres des alchimistes, etc. Dans mon rêve, il n’y avait pas de mines d’alun, mais des « mines d’essence » (on sait bien que l’activité onirique défie le bon sens), mon rêve n’allait pas dans le sens du développement durable, certes.
- Mes chaussettes, continuait l’Arthur.
Il devait bien connaître la psychologie maternelle. « Môman, ma petite môman », entendis-je tandis que mes « mineurs d’essence » ravageaient les entrailles de la pelote nommée Terre. Alors j’entendis claquer les portières de la tôle de la môman, qui ressemblait à une chaussure de sport taille 34, et vaguement, je dérivai vers les profonds âges géologiques où des mers, des mollusques et des bêtes étranges avaient formé à force de millénaires ce brouet que les humains savent transformer en puissance et en vitesse, afin que môman procure toutes affaires cessantes des chaussettes prada à son arthur.
L’après-midi passa. Les passants passèrent. Je revins plus ou moins à l’état de veille, un peu mélancolique, à côté de Lazare toujours désireux d’attraper au vol une particule.
C’en était fini, hélas, des tracteurs des élections municipales. J’aimais bien, pourtant, ces jours passés, les entendre vanter la réhabilitation imminente, la végétalisation, la réabomination, le point ceci ou cela, le monsieur crottes qui distribuerait les canisacs (hi, hi, hi), la madame réseau, l’éco-quartier, la mixité sociale, les artistes en résidence (voilà qui réinsufflerait du dynamisme à LA BUANDERIE), la nouvelle génération, la saleté propre, la puanteur parfumée, le terrain multisports, l’étroite concertation. Heureusement, on va les revoir la semaine prochaine, plus déterminés encore !
J’en étais là de mes réflexions lorsque la petite tôle en forme de chaussure se gara pile en-dessous. Môman et Arthur s’en étant extraits non sans efforts :
- C’est super, l’Estampille-Boulevard. Quarante paires pour le prix de trente-neuf.
Voilà comment je vois les choses : pendant des millénaires, des mollusques ont bouilli dans le sein de la Terre, des humains se sont échinés à raffiner, transporter, fabriquer, vendre, savoir et faire savoir, ils ont élargi les rues, bitumé et rebitumé, noirci les portes monumentales, pour que môman et son arthur fassent quatre-vingts kilomètres au-delà de l’hyper-centre. Et dans les autres tôles, ce samedi après-midi, autant de mômans, autant d’arthurs. Ils sont nuls, ces humains.

mardi 4 mars 2008

Le 1er mars...



Ce matin, accident de personne dans LA BUANDERIE. Oh ! l’imprudent muridé qui a aventuré ses jours dans ce temple de l’art ! Quelle obscure sépulture que les entrailles d’un commissaire d’exposition ! Où est-elle, la châsse d’or qu’il promettait de lui faire faire ?

Le 2 mars
Comme est véritable la maxime du sage : L’esprit tournoie de toutes parts, et il revient sur lui-même par de longs circuits ! (C’est ce qui arrive quand on fait trop d’internet.)

Le 3 mars
Relu le conte célèbre de M. Perrault, « Le Chat botté ». Tremblé au récit de la rencontre avec l’ogre. Admiré comme les faucheurs et le moissonneurs s’exécutent, de peur d’être tous hachés menu comme chair à pâté : puissance de la parole du chat tout à la fois démarcheur, impresario, chef de cabinet, directeur de campagne et conseil en communication ! Prestige de ses mensonges et de ses menaces ! Il paraît que ce récit – et ceux qui lui ressemblent dans tous les pays du monde – est un souvenir de très anciens rituels d’institution royale. Dans certaines versions, son maître étant parvenu aux honneurs suprêmes, le chat contrefait le mort. « C’est bon, je vais te mettre à la poubelle », déclare le maître. Alors le faux mort : « C’est bon, je vais te remettre dans ta condition première ! » (Il fait bon lire des contes en ce moment, bien qu’Alphonse, mon très cher ami, m’ait rapporté une brassée de tracts en papier recyclé ou recyclable du marché dominical, là où abondaient les candidats aux élections.) Dans la magnifique gravure de Gustave Doré, on voit bien à quel point le maître est sans consistance.