mardi 24 mars 2009

Le 24 mars






"Douze jours que tu fais garde-malade !" s’indigne Alphonse, mon très tendre ami, venu ce matin aux nouvelles.
- Et même plus que ça, ai-je répliqué. J’ai aussi « fait », comme tu dis, accompagnatrice en soins palliatifs, pleureuse et ensevelisseuse.
- De l’Université française ?
- Non, mais d’un machin pas plus gros qu’un poudrier à poudre de riz, qui s’appelle en anglais HD, Hard Disk. Le Hard Disk n’était pas si costaud qu’il voulait le faire croire, il devait avoir un vice caché, il a eu une faiblesse et il nous a quittés pour un monde pire, l’Enfer de la Déchetterie. Pourquoi tes lèvres s’arrondissent-elles ainsi en sourire ? Les coups durs des disques durs font-ils de toi un Démocrite à fourrure ?
- Pourquoi je me marre ? Parce je me demandais si tu parlais par paraboles, par métaphores. La fourrure, la poudre de riz, la déchetterie : l’heure est tellement à la parodie, au symbole, au langage crypté et au détournement que je pense qu’il y a un sens caché sous ces mots obvies.
- Tu es fou ? Je m’en voudrais bien de prêter la patte à cette universelle et soudaine niaiserie.
- Niaiserie peut-être, mais sais-tu que cette vague de créativité exceptionnelle dont j’ai eu une petite idée dans la Mercedes de la valise, va bientôt faire l’objet de savantes thèses de doctorat, qu’elles ont déjà d’ailleurs une sorte de Museum, dans la ville où l’on sacrait les Rois ?
- Dès le début, j’ai su qu’il ne fallait pas douter un instant de cette appropriation cuistreuse. Les soutenances, c’est comme si j’y étais ! Mais quelles nouvelles m’apportes-tu de Gabriel-City ?
- Nulles. D’ailleurs il te suffit d’ouvrir le site officiel de GC, tu sauras tout. Tu verras les palmipèdes avancés poser fièrement avec leurs récompenses. Tu sauras tout sur les chiens crevés au fil de l’eau et la natation synchronisée. Tu apprendras que le divin Apollon n’a pas abandonné le Mont des Muses, loin de là. Et puis, tiens, regarde ça : « Marie-Madeleine Pioche de La Vergne sévèrement taclée par Franz Kafka ».
- Qu’est-ce que tu racontes ?
- Ce n’est pas de la balle au pied, c’est moi qui ai parodié.
Alphonse (mein Schatz) n’arrêtant pas de rire, je suis allée et j’ai lu.
Un drame s’est déroulé à GC, un malheureux étudiant, irlandais semble-t-il, a trouvé la mort. Rien n’est plus triste. Il est bien normal que l’on n’indique pas son nom. Mais malencontreusement, on le nomme et renomme avec insistance : « Joseph K. » « Si la mort de Joseph K. vous touche, rendez-vous à la cellule d’aide psychologique de l’Université. »
- Il y aura de quoi s’asseoir, a dit Alphonse.
- Oui, certes, cette mort me touche.
- Et si Kafka était aussi mort que Marie-Madeleine Pioche ?

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