vendredi 20 février 2009

Radotage



Mais elle n’écrit plus, cette Kat ? Elle n’a rien à dire sur la crise, sur les Zözä ou Zözäen, sur le risque terrible pour eux de « tomber dans le trou des faux-culs » (une certaine Madame Valérie a dit ça à la radio), sur « la mouture de la maquette » (en situant au Moulin en juin dernier, ma grande allégorie des opérations de recrutement, j’avais donc eu une prémonition carrément visionnaire des choses) !
Non, elle n’a rien à dire.
Ou plutôt si.
Lisez ça, que j’ai non pas collé, mais tiré de la bibliothèque de mon humaine et copié de ma noire patte :
« On me demande parfois – non les jeunes, qui se moquent bien de la science ou de la sagesse des vieux, mais les personnes d’âge, qui savent que j’ai écrit des livres de philosophie – quelle serait la conclusion – ‘en quelques mots’, se hâte de préciser le questionneur – de mes longues années de réflexion.
Je m’aperçois alors que je n’ai découvert que ce que m’ont montré, à moi comme à tout le monde, les longues tiges d’épilobes ou de digitales, sur lesquelles j’avais tant réfléchi dans mon enfance : nous captons le passage dans le monde visible, de formes de vie qui s’incarnent lentement, du haut de la tige au bas de la tige florale, des boutons verdâtres du haut à la fleur fanée, à la fleur ou à la graine échevelée du bas. Les générations humaines – mais Homère déjà a dit quelque chose de semblable – ne diffèrent guère des fleurs de digitales ou d’épilobes. Les civilisations humaines fleurissent et défleurissent de même, et leurs inventions rationnelles qui paraissent d’un autre ordre, ne changent pas grand-chose à la marche inévitable de la vie. […] L’univers manifeste partout, dans l’espace, des mémoires surmatérielles inventives et sensées.

On me demande aussi quels conseils pratiques je donnerais – en moins de mots encore.

Et cette fois je ne veux pas répondre car je pense que tout donneur de conseils, tout prêcheur qui se met dans la tête de faire le bonheur des hommes, tout idéologue qui se croit plus sage, parce qu’il adopte quelque théorie nouvelle, que la sagesse vitale de millions de générations, risque de martyriser ceux qu’il prétend rendre plus heureux. Ou je dirais simplement : ‘Vivez et laissez vivre. Ne vous martyrisez pas, ne vous dégradez pas les uns les autres. Appréciez-vous, faites-vous valoir, au contraire, comme les fleurs en passage éphémère sur la même tige’. »
(Raymond Ruyer [1902-1987], Souvenirs I. Ma famille alsacienne et ma vallée vosgienne, Nancy : L’air du pays Vent d’Est, 1985, p. 230-231)

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