mercredi 26 décembre 2007

Le 26 décembre

Oh ! le bolduc doré ! Oh ! le poinsottia ! Oh ! les crèches en « composite » (émerveillable métonymie) made in china d’où Saint Joseph, tel un père de famille moderne et décomplexé, s’est mystérieusement absenté, remplacé par un roi mage si mal peint qu’il a l’air d’avoir des rouflaquettes de voyou ! Et les nourritures rares, coûteuses et compliquées qu’étalent les réclames saisissantes des hostelleries et les recettes des magazines à l’usage des catéchumènes de cuisine : du faisons, du capon, du dindon, du sang-à-lier, du turbin, du faux-gras, du cafard, des douzaines de huit et de neuf, des marrants, du loir farci, du pain d’âne, du champoigne, de l’oxyboldine, et le pire, des bûches… Ces choses-là envahissent les tables avec grand et odieux branle-bas de vaisselle qui ne sort jamais ! Pendant ce temps, paraît-il, le Saint Père à Rome se met à parler toutes les langues humaines (pas la nôtre pourtant, c’est ça qui ferait sensation) et l’on ne sait ni détruire ni garder le papier cadeau, ce bruissant symbole de vanité où j’aimerais tant à me bâtir un empire éphémère ! Sans parler des enfants (aussi dénommés « gosses ») dont c’est la fête et qui en incarnent l’esprit avec la désinvolture propre à leur âge et à leur éducation-très-soignée. Sans parler des « contes de Noël », genre littéraire qui sent un peu le remède, et de toute façon définitivement « écrasé » par la stature de M. Dickens !
J’ai heureusement échappé à tout cela et au reste.
Alphonse, mon grand ami, ne peut pas en dire autant, lui qui avant d’amener à la porte de notre cuisine son poil rêche et son compagnon Lazare un peu alourdi par la moitié d’une boîte de cafard d’élevage, avait partagé les divertissements natalistiques d’un vice-blaireau-major et de sa famille, qui avaient souhaité accueillir des pauvres à leur gamelle. Mais il y a peu à dire de leurs aventures, sauf qu’ils ont eu les oreilles écornées par des cantilènes et des propos de table où ressortaient les mots « excellence » et « récurrence ».
- Et la fameuse loi ? Ont-ils parlé de la loi ? ai-je demandé.
- De quoi veux-tu qu’ils parlent, si ce n’est de la loi ? Ils ne savent parler d’autre chose. « Elle ne va pas assez loin, cette loi. Si c’était moi… », a dit le vice-blaireau-major à son épouse et à ses enfants, non sans une acrimonie qui cadrait mal avec les bougies. Si bien que nous en avons eu assez. Au fromage, il avait même sorti son projet d’évaluation externe de la Cabane des Cognitions Humanoïdes !
- Ainsi êtes-vous venus ici directement ?
- Oh ! oui, ont-ils miaulé d’une seule voix. Ici l’on sort au dessert le Vasari et le Tabarî…
Alphonse n’a pas paru faire grand cas de mon cadeau, mais peu m’importe, parce qu’il m’a offert de son côté quelque chose qui ne s’achète pas, qui ne se revend pas sur e-bay, certaine mimique et approche de museaux, un de ces signes de profonde affection et confidence que nous échangeons, nous autres, dans un secret imperscrutable.
Mais Alphonse avait apporté pour mon humaine une fort propre figurine en « Sfarofski » représentant un muridé. Comme je m’en étonnais un peu, il me dit que c’était très facile de se procurer aux moindres frais ce genre d’objets, qu’il suffisait de suivre les couples en voie de désunion, il arrive qu’ils se jettent à la figure leurs présents.
Et moi, eh bien j’ai trouvé au pied du sapin une merveilleuse balle en forme et figure de globe terrestre, que d’une pichenette je fais rouler aller et retour sur les planchers dans cette vieille maison qui penche si opportunément.
Une maison en pente douce, un monde à tenir entre mes pattes. Que demander de plus ?

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