dimanche 13 janvier 2008

Le 13 janvier


Des marchands de cacahuètes, des adjudants, des révérends, des employés de compagnies d’assurances, des chauffeurs de maître, des femmes de chambre, des reporters, des stars sur le retour, des mineurs de fond, des enfants terribles, des harengs terribles, des prisonniers de guerre, des ex-nazis reconvertis en chanteurs de café-concert, des éditeurs de feuilles de chou, des aviateurs, des avocats des causes perdues, des saxophonistes, des contrebassistes, des contrebandiers, des prostituées, des étudiants fauchés, des pléonasmes, des garagistes, des professeurs de piano, des scénaristes en mal d’inspiration, etc., etc. Voilà ce que d’après moi, qui ai vu TOUS les DVD de Billy Wilder, on voit au cinéma. Or, je me crois à peine quand j’écris, voilà qu’un nouveau personnage est en train d’apparaître au cinéma : le professeur d’université !
En voici la preuve, trouvée au hasard de ma lecture négligente et dédaigneuse du quotidien local, quand il a servi à protéger le parquet des épines du sapin que l’on « démontait » (ce que ça signifie de « démonter » un arbre, je vous le demande un peu) et que je tournicotais, incapable de trouver dans cette maison un havre de paix.
Certes, si le quotidien local avait été ouvert à l’une des nombreuses pages « sports », ou à la non moins étonnante page « décès », je ne serais pas en mesure de commenter cette stupéfiante nouvelle.
Et sur quoi me fondé-je pour « relayer » (ce que ça signifie de « relayer » une nouvelle, je me le demanderai toujours) dans mon blog à l’audience confidentielle et choisie une information pareille ?
J’ai lu, ou plutôt entrelu entre les épines dudit sapin (qui à la fin des fins s’est bien révélé indémontable, comme je l’avais prévu), que M. Klapisch, un jeune cinéaste très à la mode depuis un bon bout de temps (comment des gens arrivent-ils à être dans le coup pendant des décennies, c’est ce qu’il me faudra demander à Alphonse, mon très cher ami, récemment promu Directeur de la BUANDERIE), vient de faire un très long métrage dans lequel un personnage est un professeur d’université, et même un professeur d’histoire ! Mais je me trompe, l’article disait évidemment : un « prof » d’université.
(Je comprends bien que les étudiants disent les « profs », mais pourquoi la multitude s’est-elle emparée de ce diminutif qui appartient au folklore interne d’une communauté ? Pourquoi une corporation tout entière le tolère-t-elle ? Même les administrations l’emploient dans des messages électroniques tapés comme avec les pieds, honte sur elles ! Il vaut mieux par les temps qui courent avoir un nom bref et bien sonnant. Par exemple « chat ». Vous ne pouvez pas abréger les « chats ». Sauf à susurrer « chch… », ce qui revient à dire : « chut, taisez-vous, parlez bas ». Encore notre nom est-il désormais traîtreusement dévoyé, puisqu’il veut dire aussi bien, si on le prononce d’une certaine manière, « parlote sur le net » !)
Donc ce « prof d’université » est joué paraît-il par M. Luchini, je suis très curieuse de voir ce grand acteur dans un pareil rôle. Je devrai toutefois, comme d’habitude, attendre le DVD.
Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de faire des digressions, c’est encore pire que d’habitude. Il faut croire que le sujet s’y prête. Je devrais en effet ajouter que mon humaine se souvient d’une très longue et bonne conversation avec une dame collègue qui porte un peu le même nom que ce M. Klapisch, une dame qui nous aime, d’ailleurs. Mais chch…
Bon. Attendons ce long métrage. Mais ce n’est pas tout. Il était encore question dans la feuille de chou, et en première page, en gros, en couleurs, d’un certain M. Claudel qui est romancier à succès, qui se lance maintenant dans le cinéma, et qui vient de faire un film, et pas un petit métrage, dans lequel un personnage, féminin cette fois, est une « enseignante à l’université », on ne connaît pas son grade, je crois qu’elle enseigne la linguistique ou quelque chose comme ça. Je ne sais plus par qui elle est jouée, l’article dévidait pourtant toute la distribution par ordre analphabétique. A ce compte-là, je pourrais moi aussi me mettre à faire des films, et j’y mettrais des personnages qui seraient des « personnels Biatoss », au moins on serait proche de l’inspiration de Billy Wilder et ce serait moins banal. Car qui n’est pas, de nos jours, « enseignant à l’université » ? Si quelqu’un ne l’est pas, c’est qu’il ne l’est pas encore. Même M. Claudel l’est devenu, car dès que l’Occasion à la tête pelée (ce n’est pas moi qui ai inventé ça, c’est M. Callistrate) a étendu sur sa tête romancière une main protectrice quoique chargée de menottes (raison pour laquelle ce monsieur a aussitôt écrit un best-seller sur les prisons), M. Claudel s’est empressé d’écrire une « thèse » et il a été reçu avec tous les honneurs à l’Université de Monaco, devant 499 candidats, dans des conditions à peine plus enviables que Mlle Margarine Pingoin à l’Université des Bords-de-Mer. Sur les 499, 15 firent un voyage long, coûteux et parfaitement inutile pour être « auditionnés » par des jurés si bien acquis à la cause de M. Claudel que plusieurs lui demandèrent humblement des autographes en lui promettant de l’ « habiliter » le semestre suivant, consacré à un congé pour recherches.
- Tu es parfaitement sibylline, aujourd’hui, me fait observer mon humaine. Si tes lecteurs ont lu Callistrate et les emblèmes d’Alciat, ils n’auront pas perdu leur temps avec les romans de M. Claudel. Et vice-versa.
- Qui sait ? On verra peut-être sous peu Callistrate et Alciat orner les rayons de « Respite ». Eh bien, moi, ai-je poursuivi, quand j’écrirai un scénario où il y aura des universitaires, ça se passera dans des hôtels bon marché, des CFTP (Chemins de Fer Très Prompts), beaucoup de couloirs où je ferai des gros plans des moutons datant du dernier PBQE (Plan Bonus Qualité Excellente), des…
- Mais tu es méchante aujourd’hui… Demandons-nous plutôt pourquoi l’université fait encore rêver sur ce mode-là, se réduit à cette mince sociologie de parvenus que l’on envie et méprise.
- J’ai déjà une idée de titre : La Grande Combine !
- Mais c’est un film de Billy Wilder, ça ! Je file à la médiathèque pour te chercher autre chose… Pousse-toi, que je descende ce sapin.
- Sic transit, etc., ai-je soupiré…

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