mardi 1 janvier 2008

Bilan, perspectives et résolutions !



Inventaires, renaissances et desseins en tout genre ! J’en ai déjà les oreilles fatiguées. Je n’en dirai pas un mot.
Oh, les mots ! A les faire un peu rouler sur mes parquets (toujours en pente, mais douce), je vous les pèle proprement, moi ! Ainsi de « réforme », qui fait courir sur mon échine des voltages excessifs ! Je prétends que lorsque l’on a la volonté de réformer une chose (et l’on pourrait peut-être commencer par se réformer soi-même), c’est parce qu’elle ne marche plus, qu’elle est pleine d’abus insupportables et produit des effets nuisibles. Réformer, c’est donc mettre fin à des maux, avec résolution.
L’on apprendra de ma plume indiscrète que mon humaine a rangé son « bureau » ; ma méditation sur la « réforme » provient directement du temps que j’ai passé à la surveiller au chaud sous la lampe, plongée que j’étais par ailleurs dans le vieux livre de Léon Halkin sur Erasme, l’humaniste au nez et à l’esprit effilés. Je ne sais pas grand chose des maux dont était affligée l’Eglise au début du XVIe siècle, nos annales ne nous ayant pas laissé beaucoup d’informations sur notre vie au milieu de l’incurie de la Curie à l’époque de ces Jules II et Léon X. Si maux il y a, il faut bien entendu y porter le fer salutaire, non pas se contenter d’empiler des rectifications sur des calamités. Le mot « réforme » n’a pas plus de valeur de nos jours qu’une campagne de soldes dans une unité de vente de distributeurs de croquettes made in China. Se souvient-on de l’expression « bête de réforme » ? Les bovins, oui, savent bien ce que cela veut dire : hélas, cela veut dire que se profile à l’horizon le camion frigorifique. Quant au mot « reformatio », qui signifie une véritable métamorphose, il a été entièrement oublié. Et voilà pour l’Université, que l’on met régulièrement à la réforme bien qu’elle ne soit quand même pas un animal de boucherie. A bas la réforme, vive la «reformatio » !
Mais ce n’est pas du tout ce dont je voulais parler. J’en étais l’autre jour au Musée et à ses problèmes lorsque j’ai été interrompue par des fâcheux. Or justement, cette nuit, pendant que les fêtards fêtaient, que les pétards pétaient et que les étants étaient, avec Alphonse mon très cher ami nous étions tous les deux dans la buanderie, assis sur des chiffons à poussière et faisant des projets muséaux. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, si nous nous trouvions en ce lieu ancillaire, ce n’est pas du tout parce que nous nous y étions réfugiés. Nous y étions par choix. En effet, il y a là certain observatoire incomparable sur l’ensemble de la maison, y compris sur les occultes boyaux et détroits par lesquels s’introduisent de temps à autre les muridés. Or Alphonse a eu l’idée – il a toujours cent idées à la minute, mon ami – de faire de cet endroit un atelier d’artiste et une galerie, une sorte de « frac », m’a-t-il déclaré (je l’imagine déjà aux vernissages avec un nœud papillon autour de son cou musclé par la gymnastique sur les gouttières et antennes paraboliques). Il a trouvé le nom : ce sera LA BUANDERIE, tout simplement. Il y a dans d’autres villes « la Laiterie », « le Silo », « la Déchetterie », « le Dépôt », « la Filature », « le Casse-Auto », « la Manufacture » et des lieux célèbres de ce genre voués à l’Art et au Beau, m’a-t-il expliqué. Il est temps qu’il y ait ici cette BUANDERIE.
Alphonse, mon très grand ami, voudrait que je sois à l’accueil et que je m’occupe en outre du site et du blog, « de la com » comme il a dit. D’emblée, je me sentis flattée, à cause de la petite fierté que je retire de mes compétences en informatique. Toutefois, il me parut que ce serait fort astreignant, et surtout, que les appâts du genre féminin, dont la Providence m’a assez bien pourvue, je le dis sans la moindre vanité, n’ont pas à servir de faire-valoir à une telle entreprise.
- Je verrais mieux un CDI pour un étudiant qui en a plus besoin que moi, lui dis-je.
- Bon, d’accord, tu as raison, répondit-il, car il a a quand même du jugement et n’est pas têtu, ce qui est un grand signe d’intelligence. Nous demanderons à ton humaine.
J’étais bien contente. Une fois de plus, nous étions d’accord. Nous passions donc d’une année à l’autre en faisant de concert des plans aussi utiles qu’agréables, ce qui nous met sous d’heureux auspices.
- Nous commencerons par un partenariat entre LA BUANDERIE et le Musée, a continué Alphonse. Il faut en parler à Messieurs Loriot et Berlingot.
- Si tu me promets de ne pas voler dans les plumes du Loriot, ni de sauter toutes griffes dehors à la truffe du Berlingot, je veux bien demander à mon humaine qu’elle les invite. Mais ça fait déjà deux requêtes à formuler. C’est beaucoup. En plus, elle est très occupée en ce moment. Elle écrit des souvenirs.
- Elle est donc si vieille que ça ? s’enquit Alphonse, mon bon ami, avec une certaine irrévérence.
- Je crois que ça n’a rien à voir avec l’âge.
- Mais est-ce qu’on peut compter sur elle, oui ou non ?
- Disons que oui. Mais raconte-moi ce que tu veux faire à l’occasion de ce partenariat. Il faut que je prépare le terrain.
Le terrain au sens propre, nous avons commencé à le préparer, en faisant prévaloir l’idée sur la réalisation, a insisté Alphonse. La chaudière servira de cimaise pour les grands formats. La question de la lumière sera reposée. Le « meuble des matériaux » fera l’objet d’un nouveau questionnement. Le coin entre la machine à laver et l’évier sera dévolu à la vidéo. Le panier à linge est un en-soi sur lequel Alphonse a pris des notes dont il pense qu’elles deviendront une référence essentielle. Un ventilateur défaillant deviendra l’emblème de l’objet défaillant quand il défaille, tandis qu’une chaise revisitera l’icône de Marie-Madeleine.
- Mais le partenariat ? ai-je insisté à mon tour.
- Je veux faire une performance avec « la Femme à la puce » du dénommé La Tour.
- D’abord, ne dis pas « la Femme à la puce », mais « la Servante à la puce ». Mon humaine a démontré que c’était une servante, et elle est très chatouilleuse là-dessus.
- Chatouilleuse ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
(Il m’ennuie. Rien à répondre à cela.)
- Je n’ai pas encore tout mis au point. Mais il y aura un écran plat sur lequel on verra cette femme en chemise s’animer, se lever. Un muridé de l’espèce domestique apparaîtra soudain, et la femme ou servante épouvantée grimpera sur la chaise en serrant autour de ses genoux sa chemise de gros chanvre, en faisant tomber la chandelle. Le noir sera le noir. La proposition artistique du La Tour débouchera enfin sur sa base théorique ultime.
(Débouchera quoi ? Je suis accablée.)

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