mardi 15 janvier 2008

Le 15 janvier



« Nicolas Sarkozy a choisi de faire des événements de sa vie privée des événements publics, comme Louis XIV : le petit matin du roi, le déjeuner du roi, le coucher du roi, les maîtresses du roi, un peu comme la monarchie où chaque événement privé du roi était un événement politique », a estimé hier Mme Ségolène parlant à la radio.
J’achevais ma collation matinale de croquettes « Vital Balance » (mes préférées) avec la mine humble et un peu chagrine qui nous caractérise lorsque nous déglutissons, quand j’ai entendu cette bêtise. Je ne l’ai pas entendu proférer par son « auteureu » même, de sa voix monocorde si peu faite pour l’éloquence, mais rapportée dans ce que l’on appelle une revue de presse. Une revue de presse peut être un florilège intelligent de bêtises, c’est tout son intérêt, mais souvent cela se réduit à une espèce de démultiplicateur ruminatoire de bêtises. Et je m’y connais en revues de presses radiophoniques, car elles accompagnent souvent mes pauses gastronomiques.
Eh bien je veux moi aussi apporter ma contribution au charivari général.
Il y a peu, un chroniqueur qui croyait peut-être se hisser ipso facto dans l’empyrée des doctes, s’emparait de la théorie des « deux corps du roi » formulée naguère par le grand Ernst Kantorowicz, pour stigmatiser la forfanterie (assez voyante il est vrai) du petit président de la république des humains de notre pays, qu’il accusait de confondre ses « deux corps ». Naturellement, ce polygraphe n’avait pas compris le premier mot de cette théorie que connaît parfaitement tout étudiant en histoire (et en histoire de l’art) qui se respecte. Il y est question de la nature du pouvoir à l’époque médiévale et moderne, qui était essentiellement à la fois théologique et politique. Le Prince, suivant cette théorie, a « deux corps » ; comme individu, il a un corps terrestre et comme souverain il incarne l’indivisibilité et la continuité du corps politique, raison pour laquelle, à la mort du roi de France, on acclamait : « Le Roi est mort, vive le Roi ! » La personne du roi est double, parce que la doctrine de la puissance royale se fonde sur une pensée théologique de la société chrétienne, transposition dans le domaine politique du corps mystique qu’est l’Église. Ce n’est jamais que par métaphore (ou plutôt par abus de termes) que l’on parle aujourd’hui du caractère « monarchique » d’un président, surtout élu au scrutin intégral, quelque féeriques que soient les affiquets symboliques qu’il utilise.
- Le scrutin intégral ? Qu’entends-tu par là, ma chère Krazy, m’a demandé mon humaine lorsque je lui ai fait part de mon irritation.
- Je veux dire la votation plénière, la consultation globale, quoi…
- Je ne comprends pas.
- La volonté populaire, le machin collectif…
- ???
- Oui, comme les soldes, le telton, le mondial…
- Je n’ose pas imaginer que tu parles du suffrage universel, mais avec toi, tout est possible.
- Et voilà maintenant que l’on nous sert « le petit lever » de Louis XIV ! ai-je poursuivi. Si encore Mme Ségolène avait stigmatisé le jeu de reversi, qui fait dit-on fureur dans les cabinets ministériels, et où l’on perd cent mille pistoles en un soir !
- Ma chère Krazy, tu dis n’importe quoi, a cette fois déclaré mon humaine au mot de « reversi ». Et où veux-tu en venir ?
- À ceci, que le petit lever du roi, le grand couvert, etc. n’étaient pas autre chose que de multiples occasions non pas pour Sa Majesté de se montrer, mais pour les courtisans de se montrer à Sa Majesté. Contresens à tous les étages, dirait Alphonse, mon très cher ami.
- C’est bien dit. L’inculture des politiques est en effet plus que préoccupante. Mais en attendant qu’ils révisent leur Malet et Isaac, tu diras à Alphonse, ton grand ami, qu’il n’est pas question qu’il fasse son vernissage un jour de lessive.
- Dommage, il disait que c’était justement son concept.

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